Qu’est-ce qu’un tiers-lieu ? Pas de définition mais quelques explications

11/14/2023

LA BOITE A revendique le statut de tiers-lieux, d’ailleurs vous avez probablement déjà entendu ce terme. Il faut dire que bien plus qu’une mode, il s’agit d’un véritable phénomène de société puisqu’on observe une multiplication de nombres de tiers-lieux en France depuis quelques années. Si pour l’instant on ne les compte que sur les doigts d’une main dans l’Eure, sachez tout de même qu’il en existe plus de 3500 en France !

Pourtant il n’est pas toujours très clair de savoir à quelle réalité correspond ce terme, et c’est pourquoi nous allons tenter de vous expliquer ce qui se cache derrière ce dernier.

D’où vient le terme de tiers-lieu ?

Le terme « tiers-lieu » est originaire des Etats-Unis, il provient de l’anglais « third place ». Le tiers-lieu est défini au départ par le sociologue Ray Oldenburg à la fin des années 80, de manière simplifiée, comme :

« un lieu où les personnes se plaisent à sortir et se regrouper de manière informelle, situé hors du domicile (first-place) et de l’entreprise (second-place) »

Dès lors, si nous ne sommes ni sur notre lieu de travail, ni à notre domicile nous situons nous automatiquement dans un tiers-lieu ?

Eh bien non. La forêt dans laquelle il vous arrive de vous balader en famille le dimanche, le supermarché du coin ou la piscine dans laquelle vous faites quelques brasses une fois le mois ne seront pas concernés pas cette définition, et ne pourront être considérés comme des tiers-lieux.

Mais alors, à partir de quel moment peut-on parler de tiers-lieu ?

A défaut de vous en fournir une définition plaquée, car vous le verrez, il n’y a pas deux tiers-lieux identiques, nous allons tout de même essayer de rendre compte de ce à quoi ils peuvent correspondre.

Tiers-lieu : qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des espaces physiques pour « faire ensemble ». Des lieux où des individus peuvent se réunir pour travailler, s’approprier des savoirs et/ou des compétences, pour se rencontrer ou simplement échanger de façon informelle. Ils offrent l’opportunité d’expérimenter des situations, des activités spécifiques. Souvent, ils permettent la création, car la plupart d’entre eux sont dédiés à la pratique, au « faire soi-même ».

Ce sont des espaces ouverts à tous, souvent des terrains neutres. C’est-à-dire qu’on peut s’y rendre quelque soit notre statut, et sans obligation de l’un envers l’autre (par exemple hôte/invité). Il y a en revanche bien un cadre et des règles de fonctionnement à respecter propre à chaque organisation.

Cette notion d’ouverture y est prépondérante. Car en privilégiant l’accueil inconditionnel ils facilitent les rencontres informelles entre usagers. Ces rencontres, la convivialité du cadre, ainsi que la facilité d’accès, doivent encourager les habitants à découvrir le lieu et ses activités, et favoriser leur curiosité et leur envie d’y contribuer.

Ils favorisent l’émergence de projets « hors cadre ». Au sein de ces projets, ils encouragent la libre contribution des habitants du territoire. Ces derniers une fois usagers du tiers lieu, que leur implication soit ponctuelle ou régulière, construisent et font évoluer au fil du temps les services et les activités du lieu. Cette contribution peut aller jusqu’à la gouvernance du lieu en fonction du mode de gouvernance pour lequel le tiers-lieu a opté.

Enfin, les tiers-lieux constituent des leviers d’innovation grâce aux espaces partagés qu’ils offrent, des lieux de rencontres et de partage qui encouragent aux collaborations et aux projets collectifs. Des lieux d’innovation d’autant plus pertinents qu’ils sont encrés localement et donc en lien direct avec les spécificités du territoire, qu’elles soient culturelles, économiques, historiques ou conjoncturelles. Les habitants se réunissent et co-construisent un commun dont ils pourront directement bénéficier.

Tiers-lieu : qu’est-ce qu’on y fait ?

Ce qui rend la définition de ce qu’est un tiers-lieu aussi complexe, c’est justement qu’il n’existe pas de tiers-lieu type, et que chacun offre une somme d’activités spécifiques. Spécifiques à son territoire, à son organisation, à la somme des acteurs qui le composent, en fonction de leurs pratiques, de leurs compétences, de leurs intérêts… De nombreuses activités donc pour chaque tiers-lieu, qui, même si l’on peut faire l’exercice de les catégoriser, sont la plupart du temps proposées de manières hybrides. On va donc plutôt se situer au croisement des grands types d’activités suivantes :

  • Coworking
  • Fablabs (ateliers de fabrication numérique)
  • Tiers-lieux culturels
  • Ateliers artisanaux partagés
  • Laboratoires d’innovation sociales, Living Lab
  • Cuisines partagées, Foodlab
  • Terres agricoles, jardins partagés

En 2021 les tiers-lieux offraient la répartition suivante (en gardant à l’esprit que certains se retrouvent dans plusieurs des activités suivantes)

Statistiques des activités des tiers-lieux en France

*(chiffres de 2021, Rapport France Tiers-Lieux https://francetierslieux.fr/wp-content/uploads/2022/04/Synthese-Rapport-2021.pdf)

Pour compléter, on peut lister les secteurs d’activités suivants afin d’améliorer notre représentation de l’offre de service des tiers-lieux et de leurs usages :

  • Travail (75% proposent des bureaux partagés)
  • Emploi Formation (60% délivrent des formations)
  • Numérique (30% participe à l’inclusion numérique) 
  • Fabrication locale (49% sont concernés par la fabrication et la production)
  • Ecologie (1/3 des Tiers-lieux sont engagés dans la lutte contre l’obsolescence programmée, en faveur du réemploi et du recyclage)
  • Alimentation durable (26% proposent des services de restauration éthique privilégiant les circuits courts et le bio)
  • Recherche et innovation (1/3 envisage de développer le volet recherche-action dans ses activités dont 19% par des partenariats avec des universités en accueillant des chercheurs en résidence)
  • Apprentissage par le faire +50% ont mis en place des partenariats avec des établissements d’enseignement
  • Culture (1/3 ont des activités artistiques et culturelles)
  • Lien social (60% déclarent accueillir «un brassage social socioculturel spontané, qui fait la richesse de leur structure»)

Si vous souhaitez aller plus loin concernant votre découverte des différents types de tiers-lieux, Prima Terra propose depuis 2014 une cartographie des usages des espaces hybrides, régulièrement mise à jour, dont voici une des illustrations la plus récente : 

Schéma des différents types de tiers-lieux

Tiers-lieu : comment ça se créé ?

Ils naissent de l’envie d’entreprendre localement à partir de la mutualisation et de l’entraide entre pairs. La plupart du temps une communauté d’acteurs locaux est à l’origine de la création du lieu. Communauté réunie autour d’une pratique spécifique, d’intérêts communs, de principes d’actions partagés, motivée à s’engager dans des projets innovants pour le territoire, en mutualisant des équipements, des moyens, des compétences.

Ces acteurs, citoyens, professionnels, entreprises, collectivités, associations… sont autant de contributeurs pour le lieu qui a vocation à devenir un pôle rayonnant par son dynamisme et favorisant activement un écosystème locale mobilisé.

La diversité des tiers-lieux se retrouvent également dans leur mode de gestion. Si la majorité est sous statut associatif (62% en 2021) 26% sont des SAS, SARL, SA, 8% SCIC et SCOP, 10% sont portés par des EPCI (communautés de communes, d’agglomération, métropole…) et 3% par des établissements scolaires ou d’enseignement supérieur.

Tiers-lieu : où les trouve-t-on ?

D’abord urbains et majoritairement situés dans les grandes villes, le phénomène gagne les territoires ruraux, les petites et moyennes villes et quartiers de banlieue. Ils sont une majorité en dehors des grandes villes en 2021.

Nombre de tiers-lieux depuis 2018 en France

Les tiers-lieux sont autant de laboratoires de redynamisation correspondants aux réalités et aux besoins spécifiques de chaque territoire et de ses habitants. D’où la difficulté de définir et de décrire spécifiquement à quoi correspond un tiers-lieu de manière générique tant leurs activités sont variées, diversifiées et dépendantes de la culture, des spécificités et des besoins des territoires sur lesquels ils émergent et se constituent.

On en compte à ce jour plus de 3500.

Vous pouvez en constater la répartition sur l’image ci-dessous en 2021, ou consulter une carthographie mise à jour en tant réel via ce lien.

Répartition des tiers-lieux en France

Tiers-lieu : conclusion

Il s’agit du plus large mouvement citoyen jamais observé depuis le mouvement de l’éducation populaire et les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC).

Passé de 1800 en 2018 à plus de 3500 en 2023, il semblerait que ce phénomène ne soit pas près de ralentir, et on le comprend d’autant plus clairement en lisant ces mots de Patrick Levy-Waitz, Président de France Tiers-Lieux* :

« Dans les tiers-lieux la création d’activités économiques ne peut être séparée de l’utilité sociale, elle est une réponse pragmatique et transversale à la réalité quotidienne :

S’attaquer aux problématiques environnementales (recycler, réparer, habiter les espaces vacants…), permettre une alimentation saine et durable pour tous (circuits courts, jardins partagés, épiceries solidaires…), faciliter la diffusion des savoirs et la montée en compétences, garantir l’insertion professionnelle (accès à l’emploi des chômeurs ou des personnes en situation de handicap), travailler à relocaliser la production (ateliers partagés, fabrication distribuée)…

Ces dynamiques collectives de territoire transcendent les cadres institutionnels et les cloisonnements stériles pour aller là où les politiques publiques ne parviennent souvent pas à intervenir. »

Les tiers-lieux constituent donc bien a minima un lieu de partage, et si l’on s’en empare collectivement ils deviennent une opportunité de faire face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés au quotidien. On comprend mieux alors leur multiplication, et l’essor et l’intérêt qu’ils suscitent sur les territoires.

Et vous ? Avez-vous mieux compris ce que sont les tiers-lieux ?

En tout cas on l’espère. Et si ce n’est pas le cas, vous êtes les bienvenus à LA BOITE A !

*Groupement d’intérêt public qui a pour objet d’appuyer l’émergence, le développement et la pérennisation des tiers-lieux en France et réunissant 6 acteurs : l’Etat (représenté par 4 ministères, de l’Emploi, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de la Transition écologique de l’Economie) l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et l’Association Nationale des Tiers-Lieux

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